Pour l’investisseur de long-terme, les corrections de marché peuvent être des périodes pénibles de ralentissement de la croissance patrimoniale, mais aussi des périodes riches d’informations et d’enseignements sur le stock-picking. Chaque correction de marché est un “choc”, un “stress test” en conditions réelles, qui permet de tester la résilience du portefeuille dans son ensemble, et de chacune de ses composantes individuellement.
Ces 3 dernières années, nous avons eu la “chance” de traverser deux corrections importantes :
le krach de février-mars 2020 lié à la pandémie de COVID-19
la correction sur les valeurs de croissance à partir de mi-novembre 2021, avec un point bas atteint en juin 2022, sur fond de tensions inflationnistes, alimentées à partir de février 2022 par l’attaque décidée par Poutine contre l’Ukraine
Nous pouvons évaluer la résilience de chaque action selon sa performance moyenne lors de ces 2 corrections - avec toutefois un avertissement important : ce n’est pas parce qu’une action a bien résisté lors de ces 2 corrections particulières sera aussi résiliente lors d’une crise d’un autre type.
Si nous mettons en rapport cette mesure empirique de la résilience des actions avec d’autres mesures, par exemple la performance totale (total return = évolution du cours de l’action + dividendes versés) annualisée sur 10 ans, nous obtenons une “cartographie” résilience/performance de la cote.
Voilà ce que cela donne pour la cote américaine (actions des indices S&P500 et NASDAQ100) (la mesure de la résilience est en abscisses, la mesure de la performance de long-terme est en ordonnée, la taille des bulles est proportionnelle à la capitalisation boursière) :
Avant de passer à la recherche des “pépites” à la fois résilientes et performantes (sur le long-terme), quelques éléments de comparaison sur les indices (nous mesurons l’impact des corrections sur la base de leur date de début et leur point bas sur le NASDAQ) :
La liste des 200 actions américaines (membres des indices S&P500 ou NASDAQ100) qui ont le mieux résisté aux 2 corrections, en commençant par les plus résilientes. Sans surprise, on observe une forte présence des entreprises des secteurs du pétrole/gaz et de l’armement (bénéficiaires de la crise ukrainienne), ainsi que de l’alimentation et de la santé (traditionnellement défensifs) :
Le risque de pondérer excessivement les actions les plus “résilientes” / les secteurs défensifs, c’est de se retrouver avec un portefeuille “mollasson”, qui reste de sous-performer structurellement les indices, a fortiori s’ils sont chargés en actions de croissance comme aux USA. Nous effectuons donc un premier tri, en ne retenant, parmi les actions qui ont mieux résisté que les indices lors des 2 corrections, celles qui ont une performance totale annualisée de long-terme (sur 10 ans) supérieure ou égale à celle des indices.
Voici ce que cela donne aux USA, en commençant par les actions les plus performantes sur le long-terme (je suis actionnaire de beaucoup de ces entreprises, avec de fortes convictions par exemple sur Molina, Domino’s Pizza, Synopsys, UnitedHealth, Thermo Fisher, NASDAQ, Mastercard, Northrop Grumman, Boston Scientific, Humana, Apple, Progressive, Visa, Steris, Costco etc.) :
On peut ensuite définir des filtres plus sélectifs, selon les objectifs recherchés pour le renforcement du portefeuille. Par exemple ici on ne considère que des actions “ultra-résilientes” (performance moyenne > -10% lors des 2 corrections) mais aussi au moins aussi performantes que les indices sur le long-terme. Dans cette liste, j’envisage de renforcer mes positions dans le secteur de la défense (Northrop Grumman, Lockheed Martin), le commerce de détail (Dollar General), l’assurance (Progressive). J’aime bien aussi des acteurs de niche comme Rollins (désinsectisation/dératisation), même si elle reste chère (PER 2022e 47,7, 2023e 42,7).
Autre méthode de tri : on ne garde que les actions résilientes qui ont une performance totale annualisée supérieure à +15% sur les horizons 5 et 10 ans (gage d’une certaine régularité, sans certitude évidemment pour l’avenir). On retrouve dans cette liste pas mal d’actions de qualité exceptionnelle à mes yeux (ThermoFisher) ou en tout cas très solides dans une optique de long-terme (Costco, Dollar General, UnitedHealth, Progressive, Waste Management, Visa…).
Ajoutons un autre filtre : un filtre value, sur le PER des entreprises (avec toutes les limites habituelles sur l’utilisation de ce ratio de valorisation) : je ne garde ici que les actions (i) résilientes, (ii) plus performantes que les indices sur les horizons 5 et 10 ans, et (iii) avec un PER <25. Dans cette liste je manque d’enthousiasme sur les valeurs des secteurs minier et pétrolier. En revanche j’ai construit cette année une belle position sur Archer-Daniels-Midland (services agricoles), et je suis également actionnaire de Northrop Grumman, KLA, Texas Instruments, AbbVie, Humana, Union Pacific, O’Reilly, NetEase, Dollar General, L3Harris, CME etc., possibles pistes de renforcement pour moi.
Effectuons maintenant le même travail de “cartographie” sur la cote française (les actions membres du SBF120) :
Comme l’univers d’analyse est plus réduit qu’aux USA, j’affiche ici l’ensemble des résultats, en commençant par les actions les plus résilientes lors des 2 corrections de 2020 et 2021-22. Sans surprise, on observe une sur-représentation des entreprises des secteur de l’énergie et de l’armement, ainsi que les secteurs défensifs habituels (télécoms, alimentation, santé) :
Parmi les actions résilientes, je ne garde ici que celles qui performent mieux que l’indice sur un horizon de 10 ans (ou de 5 ans pour les entreprises qui n’ont pas assez d’ancienneté) :
Enfin, j’ajoute un filtre value (PER<25). Dans cette liste, je suis actionnaire d’Euronext, Eurofins Scientific et Thales, qui sont des pistes possibles pour des renforcements :
Merci pour votre réponse positive Scipion! Oui bien sur, je comprends le caractère empirique de la démarche (et également sa subjectivité), mais je la trouve très intéressante !
Je me permets d'abuser de votre gentillesse une dernière fois: A partir de quelle source réussissez vous à extraire de tels tableaux excels avec toutes ces indications?
Merci par avance,
Bonne journée,
Julien
Bonjour Scipion
On en entend peu parler, il n'y a pas vraiment de MOAT au sens propre, et pourtant, CapGemini me semble intéressant (moins que LMVH, L'OREAL, ... mais quand même).
En deuxième vague juste derrière les indispensables.